lundi 25 février 2013

Les misérables n'ont pas la parole


Normalement, les vacances de février devraient nous priver des séances de cinéma pour enfants que j'organise avec ma fille mais ayant du retard dans mes rapports, je peux vous livrer les impressions du film vu il y a maintenant deux semaines. J'essaie de varier les plaisir et déplaisirs en alternant films en couleurs et films en noir et blanc (ces derniers n'ayant pas les faveurs de ma fille). Après un péplum haut en couleurs, j'ai donc proposé Le Kid de Charlie Chaplin (film en noir et blanc et muet).


Chaplin, Jean qui rit et Jean qui pleure
- Tu connais Charlie Chaplin ?
- Oui, Maman, c'est le cousin de Mister Bean !

Il ne faut surtout pas vendre Chaplin en tant que comique à ses enfants , surtout si vous vous lancez dans un film comme Le Kid. Même si quelques gags visuels font effectivement leur effet, cette histoire est un tire-larmes. Une femme seule et sans ressources sort de la maternité. Acculée, elle décide à contre-coeur d'abandonner son enfant. Finalement, le bébé se retrouve dans les bras de Chaplin, un vagabond qui vit dans un appartement de misère. Cinq années passent et Chaplin et l'enfant vivent d'amour et de petites arnaques (l'enfant casse des vitres pour que Chaplin les répare). Lorsque le garçon tombe malade, Chaplin, inquiet, appelle un médecin qui voit d'un très mauvais oeil cette adoption fortuite. Il décide alors d'appeler l'orphelinat. Pendant ce temps, la mère, devenue riche et célèbre, met tout en oeuvre pour retrouver son enfant.

Les méchant ne sont pas ceux que l'on croit
L'intérêt majeur de ce film est de montrer aux enfants que les méchants ne sont pas toujours là où on les attend et que les gentils ne sont pas toujours récompensés par la vie. Chaplin et l'enfant sont continuellement malmenés par ceux qui doivent faire régner l'ordre et la justice (le médecin, la police) mais quand l'ordre est arbitraire et la justice aveugle, les gentils deviennent des méchants, des êtres insensibles.
Quand le médecin décide de séparer l'enfant et Chaplin, la scène est poignante et résonne encore pendant longtemps dans la tête les cris de l'enfant, pourtant muets. Ma fille a tout de suite compris l'injustice de la situation bien que les conditions de vie de l'enfant avec Chaplin sont loin d'être idylliques. Il y a dans ce film de quoi germer dans la tête de nos bambins l'idée de désobéissance civile.

Doit-on cacher la misère aux enfants ?
Le film Le Kid date de 1921, les Etats-Unis sont alors en pleine crise économique d'après-guerre et doivent faire face à un important taux de chômage. La misère est partout. Finalement ce qu'il y a de plus triste dans ce film, c'est de constater que la misère n'a pas évolué. Qu'un pauvre d'aujourd'hui a les mêmes conditions de vie qu'un pauvre de 1921 (à part peut-être qu'on n'abandonne rarement un enfant dans la rue aujourd'hui).
On voudrait pouvoir entourer nos enfants de tout ce qu'il y a de plus beau dans ce monde et cela nous conduit parfois à détourner leur regard quand la misère se montre. C'est peut-être une erreur parce que les enfants ont bien souvent un élan de compassion naturel quand ils sont confrontés à la misère et ne pas leur cacher permet de maintenir en eux ce sentiment qu'on a tendance à faire taire une fois devenus grand. 

La preuve est faite que les bouilles d'amour ne durent que le temps des bouillies. Jackie Coogan, l'enfant qui joue Le Kid, deviendra plus tard l'oncle Fester dans la série de La Famille Adams.

8 commentaires:

  1. Avec mon fils on avait regardé "Le Cirque" et il avait beaucoup aimé.
    En revanche celui-là je ne sais pas si je lui montrerais étant donné qu'il est hyper sensible surtout concernant les thèmes de la séparation et de l'abandon.

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    1. @Kandygirl
      Si ce sont des sujets sensibles pour lui, il faut effectivement mieux attendre qu'il puisse le voir sans être bousculé (en tout cas trop bousculé parce qu'on l'est forcément un peu quand même)

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  2. J'adore charlie chaplin. j'ai vu le parapluie et les temps modernes. Ils ont oujours autant de succés ses films un peu comme ceux de De Funés mais dans un tout autre registre. Merci pour ce partage d'idées intéressantes.

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    1. @Rose Gry
      Je me suis rendue compte que les Chaplin on les avait vus sans les voir, c'est à dire qu'on connait tous les scènes mythiques mais que dans le fond on en a vu très peu en entier.Un artiste à redécouvrir ? :)

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  3. J'adore l'anecdote finale ! Tu pourrais même préciser qu'aujourd'hui il mange les pissenlits par la racine... il doit être encore plus moche qu'oncle Fester :D

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    1. @La vie en presque rose
      Je crains que, sur ce coup là, on finisse tous pareils :)

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  4. Ce qui semble aussi très intéressant - outre les questions que tu soulèves à juste titre - c'est la découverte de cette esthétique cinématographique. Des gueux, oui, mais des gueux magnifiques : les visages, les ombres, les cadrages. Toute cette initiation visuelle que tu offres à ton enfant, que tu t'offres à toi en passant, à nouveau, quel plaisir !

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    1. @Lutecewoman
      Concernant l'esthétique, je pense que c'est sur du long terme. En tout cas, j'espère que ces séances lui apporteront effectivement un certain regard sur le cinéma après c'est pas gagné, elle va peut être aussi faire un rejet complet.
      Mais pour le moment, elle apprécie bien "le film du samedi après-midi avec maman"

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